Il était temps de reprendre la route du Canada ! C’est avec Margaret Laurence et son roman Un oiseau dans la maison.
Je me dois en premier de remercier Marie-Claude qui avait mentionné plusieurs auteurs célèbres canadiens dont Margaret Laurence. J’ai appris un peu plus sur son œuvre et j’ai choisi ce roman, publié en France par les éditions Joëlle Losfeld. Comme Kent Haruf qui a créé de toutes pièces le comté de Holt, la romancière canadienne a créé une ville, Manawaka, qui apparait dans plusieurs de ses romans. La romancière est née en 1926 à Neepawa dans le territoire du Manitoba. Sa mère et son père décèdent alors qu’elle est encore enfant. Son père s’était remarié avec la sœur cadette de son épouse, Margaret dont il a eu un fils, Robert. Il décède alors que Peggie (son surnom) a neuf ans. Celle-ci s’installe chez son grand-père avec sa belle-mère et son demi-frère. Encouragée par sa belle-mère (et tante) Margaret, Peggie publie ses premières nouvelles à l’âge de quinze ans. La jeune femme fait de brillantes études et obtient son diplôme de l’université de Winnipeg en 1947. Elle épouse John Laurence et part vivre en Afrique puis une dizaine d’années en Angleterre avant de revenir au Canada où elle publie en 1964 son premier roman, L’ange de pierre.
Je découvre en préparant cette chronique que son roman est donc en grande partie autobiographique puisque l’héroïne Vanessa McLeod connaît en grande partie le même destin. Elle perd l’un de ses parents enfant et part vivre dans « la maison aux briques » où vivent son grand-père, l’irascible Timothy Connor et sa tante Edna. La petite Vanessa est la narratrice de ce roman, elle y raconte sa vie sous forme de journal intime où elle fait des allers et des retours à divers périodes de son enfance (elle a 11 ans, puis 9, puis 6, puis à nouveau 11, 13 et 15 ans). Le père de Vanessa est médecin d’origine écossaise. Les McLeod ont eu de l’argent mais la Dépression est arrivée et son père est aujourd’hui rémunéré en poulets et dindes. Sa mère joue les infirmières, les temps sont durs. Vanessa a 10 ans quand sa mère tombe enceinte. Irlandaise protestante, Beth travaille dur. D’un milieu plus modeste, elle est proche de ses parents Timothy et Agnès, de sa petite sœur Edna et de son oncle Dan. Vanessa a peur de ce grand-père au fort caractère, qui chasse tous les prétendants d’Edna et passe son temps à critiquer les faits et gestes des membres de sa famille. Sa grand-mère, très pieuse, se réfugie dans le salon, auprès d’une cage où un canari chante rarement.
Vanessa craint encore plus son autre grand-mère, la froide Mrs McLeod n’a jamais réussi à admettre d’avoir perdu son statut privilégié. Cette vieille femme aigrie exige une bonne alors que son fils, Ewen, le père de Vanessa, ne peut même pas acheter une robe neuve à sa fille. Elle n’aime pas beaucoup les Irlandais (donc sa bru) et vit seule après avoir perdu son fils ainé Roderick à la guerre puis son époux. Depuis, elle porte toujours le deuil et rien ne semble la réjouir, encore moins cette enfant turbulente qui risque à tout moment de renverser un objet lorsqu’elle vient chez elle. Vanessa se réfugie dans un monde imaginaire, la petite fille écrit des histoires. Elle raconte son incompréhension lorsque les adultes s’entretiennent ou se chamaillent ; elle comprend juste que les temps sont très durs, que l’argent manque, que Tante Edna a perdu son travail et que la Dépression a tout pris à sa famille.
Je m’étais imaginée un roman plus sombre, même si la vie de Vanessa sera secouée de plusieurs drames, il en reste néanmoins une lueur d’espoir, pour elle, sa tante adorée ou sa mère. Les temps durs vont passer et elle, jeune femme modeste, ira à l’université. J’ai beaucoup aimé certains passages, lorsqu’elle se remémore ses vacances au bord du lac, à écouter les huards sur le ponton avec son père. Son cousin dont le destin tragique m’interroge (pourquoi n’ira-t-elle pas le voir?). Et puis ce grand-père Connor et cet Oncle Dan qui chante tous ces chants patriotiques irlandais (protestants ou catholiques) et donne des petits noms irlandais à Vanessa. On sent ici le besoin de ces immigrants (deuxième et troisième génération) de retrouver leurs racines.
J’avais en tête un style et j’avais raison, Margaret Laurence possède une écriture fluide, très agréable à lire, un peu trop « classique » à mon goût mais le roman fut publié en 1970. Margaret, dont le véritable nom était Jean, surnommée Peggy, a donc pris le prénom de sa tante comme nom de plume. Sans doute voulait-elle remercier celle qui lui ouvrit la voie de la littérature, chose rare à cette époque ! La Dépression aura eu bien des vies mais aura aussi permis de développer l’imaginaire de cette petite fille canadienne devenue une très grande dame. J’ai dorénavant envie de lire ses autres romans et retrouver Manawaka.
Et de voir des suisses, des buissons de castillèje et un carrouge ! (clin d’œil à mes amis québécois) et d’écouter le huard (d’ailleurs je ne résiste pas à mettre un lien vers une vidéo, et effectivement c’est spectaculaire!)
♥♥♥♥♥
Editions Joëlle Losfeld, A bird in the house, trad. Christine Klein-Lataud, 198 pages
Challenge Canada pour le territoire du Manitoba