Partie en Gaspésie quelques jours, j’avais prévu d’emporter deux romans – j’ai abandonné le premier (après 150 pages) mais j’ai dévoré le suivant en un jour et demi ! Car fort heureusement que les arrêts en librairie étaient de mise pendant ce voyage ! J’ai acheté deux autres livres dont celui-ci, signé du grand Jim Thompson.
Croire que ce livre allait me faire le reste du voyage fut évidemment une grossière erreur, puisque, installée confortablement devant l’océan, j’ai dévoré les cent cinquante dernières pages (ayant lu les 120 premières la veille au soir) !
Si vous ne connaissez pas encore Nick Corey, shérif de Pottsville au Texas – dépêchez-vous de remédier à cette erreur ! Nous voilà plongés dans le Sud peu après la Première Guerre Mondiale – Nick Corey est un as du « laisser-faire » : il évite de se mêler des affaires de ses administrés et s’en porte très bien. Mais dernièrement, la situation semble peu à peu lui échapper : un adversaire potentiel aux prochaines élections lui fait de l’ombre et sa vie personnelle vire au vinaigre.
Marié (enfin contraint et forcé d’épouser la rencontre d’une nuit), il accueille chez lui le frère de celle-ci, un adulte débile mental qui a la fâcheuse manie d’aller espionner ses voisines en petite tenue et trompe sa femme dès qu’elle a le dos tourné avec sa meilleure amie. Mais le pauvre Nick a la sale manie de plaire à bon nombre d’épouses esseulées, et le voilà soudainement en couple avec son ancienne fiancée. Ses maitresses rêvent toutes de le voir libre afin de lui mettre le grapin dessus, mais Nick a d’autres plans.
Rajoutez-y les deux maquereaux locaux qui se moquent de lui allègrement, et Nick décide soudainement de faire le ménage …
Et ça déménage ! Car Nick, qui a tout du shérif un peu lourdaud, est tout le contraire – vous voyez le serpent dans le Livre de la Jungle et bien il sait parfois foutrement bien y faire .. mais Nick reste fidèle à lui-même et bientôt ses plans vont prendre une drôle de tournure et tout va partir en cacahuète pour le grand plaisir du lecteur ! On s’amuse beaucoup en compagnie de ce Nick, narrateur de sa propre vie qui ne comprend pas très bien pourquoi tout lui échappe..
Je me suis vraiment bien amusée en compagnie de ce shérif et comme je le disais, je n’ai pas pu lâcher le roman une fois commencé. J’avoue, je ne pourrai pas lire ce genre de romans à la suite, risquant l’overdose mais là ça m’a fait un bien fou. De plus, Jim Thompson dresse un portrait au vitriol de ses petites bourgades sudistes, où à l’époque (en 1917) les « nègres » n’avaient pas d’âmes, et même si l’esclavage était aboli, les hommes noirs étaient encore considérés comme une « sous-espèce ». Fort heureusement, le shérif ne comprend pas cette attitude – ce qui lui redonne un peu de cachet, avouons-le. Quant à l’hypocrisie générale, elle se manifestait principalement le dimanche lorsque les familles se rendaient à l’église. Enfin, que dire de ces shérifs, élus à coup de pots de vin, qui faisaient attention à bien fermer les yeux lorsqu’un délit était commis ?
Cent ans plus tard, je suis presque certaine que l’on peut encore en croiser …
♥♥♥♥♥
Editions Rivages, Noir, trad. Jean-Paul Gratias, 270 pages