Avez-vous des obsessions ? La mienne était de dénicher en version usagée, la version Poche du premier roman de la trilogie mettant en scène le détective privé Karl Kane – créé par l’Irlandais, Sam Millar, dans Les chiens de Belfast. Que ce soit en neuf ou en usagé, je n’ai jamais réussi à mettre la main sur ce premier volet. J’en ai parlé à Marie-Claude lors de mon séjour au Québec et j’ai fini par mettre la main dessus dans une librairie ; mais entre temps, elle aussi a voulu partir à sa découverte – j’ai donc regardé s’il était disponible sur un site de commande en ligne français à moindre prix et je lui ai laissé ma trouvaille.
De retour en France, en allant chercher et rendre des livres à la bibli, j’ai poussé la curiosité à aller voir en rayon et le voici, dans sa version reliée, édité chez Seuil. Je n’ai pas pu résister malgré la lecture de trois autres policiers la semaine précédente !
Né à Belfast en 1958, Sam Millar, a fait de la prison en Irlande du Nord comme activiste politique, et aux États-Unis comme droit commun. De retour à Belfast où il vit toujours, il est devenu écrivain, auteur de plusieurs romans noirs dont Poussière tu seras et Rouge est le sang (chez Points), et d’une autobiographie On the Brinks dont j’avais beaucoup entendu parler.
Karl Kane est un détective privé, proche de la cinquantaine, qui souffre d’hémorroïdes et dont la situation financière est plus que fragile. Voici, me direz-vous un portrait peu reluisant du héros mais c’est la pure vérité. Auteur non publié (et qui souffre de voir ses manuscrits lui revenir …), l’homme est en conflit ouvert avec la police de Belfast, dont son ancien beau-frère et ne sait plus comment faire face à ses déboires lorsqu’un certain M.Munday vient le trouver – celui-ci lui demande d’enquêter sur le meurtre d’un homme, dont le cadavre a été retrouvé avec trois balles dans le crâne en échange d’une belle liasse de billets. Ancien maton de prison, il est le premier d’une série de victimes, toutes ayant un lien avec cette prison mais dont Kane ne parvient pas à faire le lien.
Parallèlement, le roman est ponctué de flashbacks avec le viol et le meurtre de la mère de Karl lorsqu’il était enfant – chapitres courts qui viennent alimenter le récit et le viol violent et brutal d’une jeune prostituée alors que des chiens sauvages échappés du zoo ont déjà tué des passants il y a une trentaine d’années… Et également au présent, que doit-on penser de cette femme mystérieuse, qui attire dans ses filets des hommes et les torturent à mort avant de les achever ?
Le soin de démêler les fils sanglants de cette série macabre échoit à notre ami Karl Kane, qui a accepté de rendre à nouveau service (payant) à ce mystérieux M.Munday au grand dam de son assistante et petite amie, Naomi, qui ne veut pas le voir s’acoquiner avec les truands de la ville. Mais bientôt les évènements s’enchainent à une telle vitesse que Karl Kane ne peut faire autrement que de mettre les doigts dans le cambouis.
Très vite, le détective comprend que la police n’est pas étrangère à l’affaire, en particulier lorsqu’un ancien malfrat paraplégique est assassiné alors qu’il écrivait un livre où il révélait son ancien job d’indic auprès de la police irlandaise.
Alors ? Pour ma part, j’ai eu, j’avoue, un peu de mal avec l’alternance entre flashbacks et le récit actuel, et en particulier l’abondance des personnages – ou alors étais-je trop distraite ? L’histoire est cependant intéressante et prenante, même si j’avoue que je n’ai pas très bien compris comment le détective a réussi à trouver le nom de la tueuse – l’explication donnée étant assez alambiquée alors que pour le tout dernier assassin j’ai deviné en une seconde et lui a mis un temps fou à faire le lien…
Je trouve également la plume un peu légère, le style un peu trop « parlé » à la limite de la vulgarité – ou est-ce du à la traduction ? Je ne le crois pas – je crois que l’auteur a voulu vraiment représenter une certaine fange de la population. Cependant, j’aurais aimé un peu plus de travail de la part du romancier. L’autre bémol vient du fait du nombre de références très important à la culture irlandaise (télévisuelle) que je ne possède pas, et il faut souvent lire les notes du traducteur – ce dont je ne suis pas fan et auxquelles s’ajoutent certains jeux de mots intraduisibles.
Enfin, certains personnages m’ont aussi semblé vraiment caricaturaux – en particulier, les flics – réduits à de grosses bêtes sanguinolentes, pas mieux que les truands et au final, aucun personnage ne ressort du lot. Reste l’humour du personnage principal, envers sa propre personne (et ses problèmes d’hémorroïdes) et la ville de Belfast dont j’ai aimé découvrir le passé. Mon dernier bémol ? J’aurais préféré que le récit se concentre autour de ce viol atroce et de ses conséquences et non autour d’une multitudes de personnages … dont on comprend le lien tardivement et qui m’ont laissé dans un certain brouillard.
♥♥♥♥♥
Éditions Seuil, Bloodstorm, trad. Patrick Raynal, 2008, 264 pages