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Magic Time

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En janvier dernier, dans mon billet « Ils me font de l’oeil » consacré à la rentrée littéraire de janvier, j’avais repéré le livre de Doug Marlette, publié aux éditions Le Cherche Midi.  Il est venu rejoindre mes étagères et attendu patiemment son tour. Puis j’ai vu le billet de Jérôme, et je me suis dit que les vacances étaient le temps idéal pour faire une virée dans le Sud des États-Unis.

1965. Alors que le mouvement des droits civiques porté par Martin Luther King s’étend dans tous les États-Unis, le pays a les yeux fixés sur Troy, une petite localité du Mississippi où quatre jeunes activistes ont péri dans l’incendie d’une église. Deux membres du Ku Klux Klan sont arrêtés et condamnés à perpétuité. 1990. L’un des condamnés libère sa conscience en désignant le vrai responsable du crime. Un nouveau procès se prépare donc à Troy. De retour dans sa ville natale, Carter Ransom, ancien sympathisant dans la lutte pour les droits civiques et journaliste au New York Examiner, est aux avant-postes. Son premier amour, Sarah Solomon, faisait partie des victimes et son père, le tout-puissant juge Mitchell Ransom avait conduit le premier procès. Carter veut faire toute la lumière sur cette période qui l’a marqué à jamais. Et c’est dans le passé qu’il va devoir fouiller pour mettre au jour une vérité aussi terrible qu’inattendue. 

Magic Time Doug MarletteSi la présentation est joliment écrite, elle est légèrement erronée : Carter Ramson, le personnage principal, n’était pas un sympathisant actif dans la lutte pour les mouvements civiques ; journaliste au journal local de Troy, il s’est toujours retranché derrière son carnet et son stylo pour ne jamais rejoindre ses amis dans le rang des manifestants (excepté une fois: à Selma, avec Martin Luther King). Carter avait quitté le Sud avec la ferme intention de ne jamais y remettre les pieds, mais un attentat dans un musée new-yorkais où se trouvait sa petite amie et le fils de cette dernière, plonge Carter vingt-cinq ans en arrière. Victime d’un malaise, il part se reposer chez son père à Troy, alors que le nouveau procès va s’ouvrir et réveiller en lui un passé qu’il a tenté d’enfouir depuis vingt-cinq ans.

Et c’est là tout le talent de Doug Marlette : le personnage principal, va alors se remémorer ses étés des années 60 qui auront vu le Sud bouleverser par l’arrivée de tous ces étudiants du Nord et du reste du pays, venus encourager les Noirs à s’inscrire sur les listes électorales. Le Mississippi est d’ailleurs l’Etat comptant le plus grand nombre de Noirs et un taux d’inscription très faible (moins de 1%). La présence de ces jeunes idéalistes, étudiants pour la plupart, comme les quatre victimes va bouleverser sa vie. Celle où jusqu’à présent deux mondes coexistent : les Noirs d’un côté, et les Blancs de l’autre. Et ces étudiants ne sont pas les bienvenus, ainsi le Grand Dragon (le chef local du KKK) décide de leur mettre des batons dans les roues : menaces, pneus crevés et même passage à tabac mais les jeunes étudiants résistent.

Carter y retrouve son meilleur ami, Elijah Knight, surnommé Lige. Celui-ci n’est autre que le fils de Nettie, la domestique des Ramson. Celle-ci continuera toute sa vie d’exercer auprès du Juge Ramson. Voilà la position qu’occupe les Noirs à cette époque et Carter est dans une position délicate. Il vient de quitter la fac de droit en cet été-là contre l’avis de ses parents et n’a pas l’intention d’y retourner à la rentrée, il n’est plus très amoureux de sa petite amie Grayson, fille d’un notable. Il retrouve son poste de reporter au journal local et décide de couvrir les premiers rassemblements liés aux mouvements civiques. Mais à l’époque, les journaux locaux préfèrent éviter ces sujets brûlants. Carter y rencontre Sarah Solomon, une jeune étudiante juive New-Yorkaise et d’autres sympathisants. Il voit ses idéaux et sa culture confrontés à celles de ces autres Américains. Carter, ayant grandi avec la ségrégation n’y voyait pas de mal, ni de bien. Et lorsqu’on lui demande son avis, il se retranche derrière sa position de journaliste. Au sein du mouvement, des tensions se ressentent : les sympathisants Noirs ont du mal à faire de ces jeunes étudiants blancs venus du Nord venus leur donner des leçons de démocratie. Certains souhaitent recourir à la violence et ne croient pas au mouvement pacifiste de Martin Luther King.  Carter va alors peu à peu prendre conscience de l’Histoire qui se joue jusqu’au drame.

1990 – Carter est de nouveau à Troy, chez son père avec qui les relations ont toujours été tendues. Mais cette fois-ci, les choses sont différentes : le Juge a vieilli, Elijah Knight est Sénateur, Charlie Lloyd, l’autre sympathisant noir, se présente aux élections pour la Mairie de New-York.  L’adjointe du Procureur veut les entendre dans le nouveau procès qu’elle ouvre, afin de faire condamner le commanditaire de ces assassinats. Les langues vont-elles se délier vingt-cinq ans après les faits ? Certains acteurs clés sont décédés, le principal suspect est en fauteuil roulant, accroché à sa bouteille d’oxygène.

Carter, en pleine déprime, voit alors les fantômes ressurgir et peu à peu, il va sortir de sa torpeur pour aller à la recherche de la vérité, au plus profond de lui-même. Doug Marlette retrace ici avec un immense talent une période extrêmement trouble de l’Histoire américaine – on a tous en tête les noms de Rosa Parks, de Martin Luther King, les images des démonstrations de violences de la part de la police envers les manifestants, des croix brûlées par le KKK.

Un roman fleuve, foisonnant et passionnant – ici les personnages ne sont pas simplement esquissés, ils sont au contraire extrêmement profonds et d’une rare humanité. Doug Marlette, originaire du Sud (son parcours ressemble un peu à son personnage principal), sait mieux que quiconque parler du Sud – de son ambivalence, de cette moiteur et de cette atmosphère souvent lourde.  Doug Marlette possède une écriture relevée, et ici très bien traduite.

D’ailleurs, il le dit lui-même dans son roman : le Sud produit de grands écrivains car tout est là : la violence, les non-dits, cette politesse si typique du Sud, cette culture du secret. Doug Marlette fait un travail prodigieux en expliquant les racines du mal, celle du KKK, en mettant à mal certains préjugés (contre les Juifs aussi) et en rétablissant ici le combat de ces jeunes qui ont fait preuve d’un courage extraordinaire.

Je savais que j’allais aimer ce roman et je ne me suis pas trompée ! On est pas loin du chef d’oeuvre. Avec lui, je suis retournée dans le Sud comme lorsque j’étudiais dans le Tennessee. Je me suis souvenue de mes premiers jours, où à la mi-journée, j’avais déjà envie d’aller reprendre une douche, l’humidité étant telle ! Mais je me souviens aussi de ces couchers de soleil extraordinaires, de cette lumière unique, de ces personnes âgées, installées tranquillement sur le porche avant, dans leur rocking chair à siroter une limonade. J’ai traversé le Mississippi, je ne me souviens pas de grand chose sinon de ces petites villes en bordure.

Et puis je me suis rappelée, lors d’une scène particulière (un enterrement) que l’auteur, Doug Marlette, dont les critiques avaient encensé le livre à sa sortie, est décédé subitement l’année suivante en 2007 (dans un accident de voiture). Il avait obtenu le Prix Pulitzer pour ses dessins de presse. Il enseignait et se rendait à un cours de soutien lorsque l’accident s’est produit. A son enterrement, c’est son meilleur, le romancier Pat Conroy (récemment décédé) qui lui a rendu un vibrant hommage. Deux grands romanciers du Sud qui écrivaient magnifiquement sur cette région atypique de l’Amérique. Courez l’acheter !

♥♥♥♥♥

Editions Le Cherche Midi, trad. Karine Lalechère, 800 pages

 


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