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L’arabe du futur (1 & 2)

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Il était grand temps que je lise cette série dont j’ai tant entendu parler ces derniers mois dans tous les médias. J’étais particulièrement intriguée par les réactions très fortes qu’elle provoquait. Soit c’était, comme chez Jérôme, un emballement, soit à l’inverse, comme chez Hélène, un dégoût. Ma curiosité l’a emporté et j’ai réservé les deux volumes à la BM. Dispos tous deux le même jour, j’ai donc suivi le temps d’un week-end les aventures de Riad, petit blondinet franco-syrien, parti vivre au Moyen-Orient.

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L’histoire de Riad commence en 1978 (il précise les dates : 1978-1984). Le petit garçon, fils de Clémentine, Bretonne et d’Abdel-Razak Sattouf, Syrien, quitte dès l’âge de deux ou trois ans sa Bretagne natale pour aller s’installer à Tripoli, capitale de la Libye. Fief de cher Khadafi.

Son père n’a pas réussi à trouver d’emploi en France. Maitre de conférence (mes souvenirs sont nébuleux), il enseigne à la fac. La ville est moderne et même si leur mode de vie est foncièrement différent, la famille est bien logée, dans un immeuble avec d’autres étrangers et la paie est bonne. Le père est ravi, il gagne très bien sa vie. Le petit Ryad se fait deux amis dans son immeuble avec qui il joue à toutes sortes de jeux.

Les Sattouf rentrent en France mais le père tourne en rond. Il décide alors de retourner dans son pays natal, la Syrie et plus exactement dans son village, situé à une heure de Homs. Le père de Riaf a réussi à mettre pas mal d’argent de côté et il rentre donc chez ses parents riche et respecté. Mais le choc culturel est immense. On est loin ici d’une ville moderne avec toutes ses infrastructures et ses lieux de vie. Ici c’est la campagne profonde.

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Riad et sa mère décident de rentrer en France y passer les vacances d’été.  Riad est ravi de retrouver ses grands-parents maternels, sa chambre, ses jouets et les nombreux avantages comme le simple fait de pouvoir sortir. Car là-bas, le petit garçon est isolé. Il ne parle pas la langue et voit peu d’enfants. Ses cousins le détestent. Riad se sent seul.  Mais l’été prend fin et Riad doit retourner en Syrie et surtout aller à l’école. C’est la fin du 1er tome.

Que dire ? Que celui-ci se lie aisément, il ne m’a pas particulièrement surpris ou dérangé. Il décrit bien la vie à l’époque et éclaire nos lanternes sur la politique menée par Khadafi  et son régime autoritaire avec un culte de la personnalité très développé.  Le lecteur se place du point de vue de l’enfant qui est à la fois surpris et amusé par cette culture très éloignée de la notre.

Le second tome m’a beaucoup plus éclairé sur les reproches fait à cette bande-dessinée. Le village d’où le père de Riad est originaire semble sortir tout droit du Moyen-Age et la fin, terrible, ne fait que confirmer ce pressentiment. Ici, on est loin de toute civilisation moderne. Adieu l’appartement, adieu la liberté pour les femmes, adieu les routes, les commerces, les restaurants, les cinémas. Ce qui m’a le plus touché, c’est le sort des femmes : elles n’ont plus aucun droit, elles restent enfermées chez elles à servir les hommes. Un enfer pour la mère de Riad.  Leur logement est à la limite de l’insalubrité et le portrait des habitants que dresse Riad Sattouf (l’adulte, le dessinateur) est plus qu’inquiétant.

J’avoue que je me suis demandée à plusieurs reprises si une partie n’était pas inventée tant elle me semblait grotesque. Ainsi, ce ne sont pas les chiens, mais les habitants qui font leurs besoins où bon leur semble ? Les enfants sont d’une violence inouïe. Ils sont élevés dans la haine de l’autre, et le petit blondinet devient vite leur bouc-émissaire préféré. De l’acharnement physique et verbal. L’insulte suprême se réduit à un mot « Yahoudi » (juif). Je n’en dis pas plus. Les parents frappent leurs enfants. Les professeurs frappent les enfants. Cette vision si pessimiste de l’homme, qu’il soit adulte (les hommes adultes sont des tyrans) ou enfant (ils sont bêtes et violents), m’a vraiment interloqué. Quelle est la part de vérité ?

La fin résume à elle seule mes doutes sur cette histoire. Non pas que je doute de ce crime d’honneur, ils existent et perdurent à ce jour dans de nombreux pays, la femme n’a aucune valeur. Mais je suis étonnée de son traitement. Le détachement du narrateur, un enfant de six ans, face à cette barbarie,  m’a placé, moi lectrice, dans une situation difficile. Comme si l’auteur souhaitait lui-même créer une distance de sécurité avec cet acte atroce qui a endeuillé sa famille et vouloir encore faire sourire le lecteur ..

sattoufin4L’autre bémol que j’apporte à ce livre est le portrait extrêmement peu reluisant du père de famille. Quel abruti ! Je n’ai pas d’autres mots. Enfin si, mais ils sont grossiers. Les propos tenus par cet imbécile m’ont vraiment poussé à me demander ce que sa femme avait pu lui trouver.  Riad a un petit frère (au prénom qui m’échappe), seule occupation de la mère de Riad qui ne sort jamais. Mais c’est le dernier souci de son époux, un intellectuel pourtant. Le père ne condamne même pas au départ le crime d’honneur perpétré par sa propre famille, c’est sa femme qui doit lui rappeler que tuer une femme est injustifiable !

Mais c’est le Riad adulte qui parle, pas le Riad âgé de 5 ans – car aucun enfant de cet âge ne sait que son père est un idiot. Pourtant l’auteur semble se souvenir avec précision des propos affligeants que son père tenait sur la vie du village, la politique, la culture ou lorsqu’il justifie leur mode de vie, tellement éloigné de toute civilisation. Le petit Riad vénère ce père qui revient riche au village et leur a promis une maison neuve. Projet qui n’avance absolument pas.  Comment l’auteur peut-il se souvenir de tous ces propos ? Le père de Riad semble être un condensé de tous les préjugés que l’on peut se faire.

Ainsi, il vénère le « Lion », le dictateur Hafez El-Assad. L’homme règle en maître sur ce pays depuis 1971. Le père de Riad le voit comme porteur d’un projet immense pour son pays, qui va faire de cette nation, un exemple de civilisation moderne pour leurs voisins. Mais évidemment, ce ne sont que des promesses en l’air.

Sattoufint3Les habitants vivent dans une grande précarité. Alors que la famille a les moyens, ils doivent se contenter de vivre dans une pièce sans aucun électroménager. La vie y est monotone ou ponctuée d’actes de violence. L’histoire du lave-linge est significative. Celui-ci, transporté à dos de mule, arrive tout droit du Liban. Nous ne sommes plus en 1984 mais en 1820.

C’est là le talent de Riad Sattouf : une plongée dans ces pays dont nous n’entendions que peu parler avant la chute de leurs dictateurs.  Il montre ainsi comment toute la population grandit dans la haine, celle des Juifs, commune à tous les pays du Moyen-Orient mais également la haine de leurs voisins chiites. C’est ce »voyage » que j’ai aimé.

Il reste que je trouve l’exercice périlleux et la posture de l’auteur compliquée. Il veut nous montrer son pays à travers le regard d’un enfant de cinq ans, mais en réalité il dresse un portrait terrible et sans équivoque de ce pays et de leurs habitants. Un portrait où il emprunte, j’imagine, à la fois une partie de ses souvenirs mais où il applique ses réflexions d’adulte. Un mélange qui pour moi, n’a pas été, dosé savamment. A-t-il exagéré ? Inventé ? Déformé ses souvenirs ? Ce qui explique mon étonnement face à certaines situations et mon malaise en lisant les propos xénophobes, misogynes et terriblement stupides qui remplissent ces pages.

Je n’ai pas su différencier la part de vrai de la fiction.  Malgré tout, j’ai quand même lu avec attention. Un autre tome est attendu,  je le lirai mais avec un regard bien moins naïf que lorsque j’ai entamé ma lecture.

♥♥♥♥♥

Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984)

Allary Editions, 158 pages

 


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