Quelle joie de retrouver Arnaldur Indriðason ! L’auteur islandais nous offre ici, toujours avec son fidèle traducteur Eric Boury, le premier volet de sa trilogie des Ombres. J’avoue, j’étais un peu intimidée par le livre – allais-je aimer ? L’idée de ne pas retrouver dans de nouvelles aventures mon héros préféré Erlendur – que je suis fidèlement depuis sa parution en français en 2005 (déjà!) m’attristait un peu.
Mais j’avais déjà suivi l’auteur islandais dans une autre enquête en 2012, L’opération Napoléon qui nous emmenait à cette période, en 1945 précisément (et dans le présent). Aussi, me suis-je lancée dans cette nouvelle enquête, les yeux fermés !
Eté 1941 – La guerre sévit en Europe, les troupes britanniques présentes depuis le début de la guerre sont peu à peu remplacées par les troupes américaines. Reykjavik, la capitale, voit son mode de vie bouleversé. L’île, peuplée de pêcheurs et d’agriculteurs doit s’habituer à ces chamboulements. Les soldats s’installent dans tout le pays, surtout près des ports. De nombreux Islandais ont ainsi quitté la vie rude de la campagne pour aller chercher du travail en ville, comme Eva, qui s’est entiché un temps d’un jeune représentant de commerce, Eyvindur, mais très vite « La Situation » – terme employé par la population, aura un impact sur leur relation.
La « Situation » désigne à la fois cette période charnière de 1940 à 1945 mais également aux liaisons entre les femmes islandaises et les soldats étrangers. Et de nombreuses femmes ont cédé à la tentation, certaines se prostituant, d’autres croyant au prince charmant qui les emmènera loin de cette vie « de dur labeur ». Lorsque la police découvre, dans un petit appartement du centre-ville, le corps d’un jeune homme, tué d’une balle provenant d’un Colt américain et le front marqué d’une croix gammée en lettres de sang, les soupçons s’orientent rapidement vers les soldats étrangers. Les meurtres sont extrêmement rares en Islande et c’est Flovent, le seul et unique enquêteur de la police criminelle d’Islande (ex -stagiaire à Scotland Yard) qui est chargé de l’enquête.
On lui adjoint Thorson, un Canadien appartenant à la police militaire de l’armée royale Britannique. Thorson a été désigné par ses supérieurs, car ses parents sont des Islandais qui ont émigré au Canada et le jeune homme parle couramment cette langue.
Je n’en dirais pas plus, sinon pour vous dire que l’auteur islandais reste fidèle à son dada : l’histoire de son pays, et plus particulièrement la période de l’occupation par les troupes étrangères, même supposées « alliées ». L’appartement étant au nom d’un jeune homme d’origine allemande, dont le père fut longtemps soupçonné d’appartenir au mouvement nazi va bien évidemment mettre les enquêteurs sur de multiples pistes. Mais le talent d’Indridason est de nous offrir un portrait fascinant de son pays.
Je ne veux pas en dire plus mais si vous connaissez un peu l’histoire et les théories raciales (la race supérieure Aryenne), vous vous doutez que les ancêtres des Vikings intéressaient fortement ces généticiens nazis. Mais qui sont-ils à présent ? Sinon une toute petite nation de pêcheurs et d’agriculteurs, qui vivent loin de tout ?
Si le début m’a paru un peu trop « calme » – ou ai-je trop l’habitude du style de l’auteur ? – J’ai vite succombé à l’histoire très prenante et fascinante. La magie a opéré et l’intrigue m’a vraiment emballée. De plus, je ne cessais à l’approche de la fin, de penser à la suite – il s’agit d’une trilogie, rappelez-vous ! L’enquête va-t-elle être résolue à la fin du roman ? Est-ce un crime lié à l’espionnage ? à la fiancée volage du jeune homme ? Les pistes sont multiples….
Métailié vous récompensera en vous offrant, à la fin du livre, les deux premiers chapitres du prochain tome, La femme de l’ombre, dont la parution est prévue en octobre prochain ! Je n’ai pour ma part, pas su résister et j’ai continué ma lecture jusqu’à la dernière ligne !
La passion pour l’auteur islandais pour l’Histoire de son pays est devenue contagieuse – je n’ai pas pu m’empêcher de faire le parallèle avec l’Occupation – forcément différente, puisque c’était l’ennemi qui occupait nos maisons, nos campagnes et nos villes, mais je sais que les communes qui ont par la suite accueilli sur leurs sols les troupes étrangères pendant des décennies (les Américains se sont installés en Islande pour très longtemps) ont fini par ressentir comme une forme d’oppression. Et que les femmes qui « fricotaient » avec ces étrangers, surtout sur une île si isolée comme l’Islande, étaient très vite jugées et condamnées pour leurs moeurs faciles.
Ne vous inquiétez pas : le portrait de cette période ne prend jamais le pas sur l’enquête, mais rappelez-vous qu’à l’époque, que seuls les entretiens et les témoignages font avancer l’enquête. Aussi, certains pourraient trouver le rythme lent ou les interrogatoires répétitifs.
Pour ma part, j’ai adoré ! Et j’ai vraiment hâte de poursuivre ma lecture du tome 2 .
Merci à Arnaldur Indriðason pour m’offrir toujours un joli moment en février de chaque année (bon l’an dernier, c’était le 2 mars….) et à ma fée clochette qui m’a fait parvenir ce roman, disponible dans toutes les bonnes librairies
♥♥♥♥♥
Editions Métailié, Noir, Þýska húsið, trad. Eric Boury, 352 pages.